Paris-Brest-Paris
Du 16 au 20 août 2015
Dimanche 16 août
Avec Pascal Branly, nous sommes présents depuis le matin à Saint-Quentin en Yvelines au vélodrome national, lieu de départ du , afin de faire vérifier nos vélocipèdes et de finaliser les dernières démarches administratives.
16H00 : Départ de la première vague, la vague A (Chaque vague comporte entre 250 et 300 cyclotouristes). Les vagues A à D ont choisi de faire le PBP en moins de 80 heures, les vagues E à U ont choisi moins de 90 heures.
Puis les vagues s'enchaînent toutes les 15 minutes. La plus singulière est celle des vélos spéciaux (bien sûr, il y a les vélos allongés carénés ou non , les vélos tous chemins, les vélos décorés (il y en a peu), les mini-vélos stylo Brompton , les vélos avec pignon fixe, les vélos elliptiques (il faut être debout et l'on marche ) , les tandems à 2 ou à 3, les tricycles, les tricycles-tandem, les vélos pour amputés des jambes (il faut pédaler avec les bras), 2 Italiens sur des vélos Auto-vélo du début du 20ème siècle, et d'autres que je n'ai pas repérer...
Cette journée se termine avec la vague U.
Lundi 17 août
Il est 4h00 et nous nous réveillons. Notre hôtel F1 est à 3 km du départ. Le temps de nous préparer, 2 bonnes parts de flan et il est 4h20 quand nous quittons notre chambre. Lorsque nous arrivons au départ, nous nous rendons compte que nous sommes parmi les derniers. Les quatre vagues de ce matin ont choisi de faire le PBP en 84 h maximum.
La vague W des vélos spéciaux est déjà sur la ligne de départ et ma vague, X, attend au pré-départ.
5H00 ! Je franchis la ligne le dernier... Et je pense à ce défi fou : 1230 km en moins de 3 jours et demie et en autonomie complète !
Premier jour
130 km sans arrêt jusque Mortagne-au-Perche. Pris dans le groupe et dans l'euphorie, nous roulons vite. Devant moi, il y a une file ininterrompue de loupiottes rouges, c'est superbe ! Je roule avec Éric, un gars de la Somme avec qui j'ai réalisé quelques brevets qualificatifs à Orchies. Je ne sais pas où est Pascal.
Je ne vois pas le temps passé, le jour se lève et déjà je suis à Mortagne-au-Perche. Ce n'est pas un contrôle ni un ravitaillement. Juste le temps de remplir les bidons et je repars direction Villaines la Juhel (1er contrôle, 1er ravitaillement). Il est 12h30, j'entre dans Villaines la Juhel, je viens de faire 220 km en 7h30. Depuis le départ, je roule dans un groupe et ça aide.
J'oubliais, entre Mortagne et Villaines, je double un gars de la vague N, puis je rencontre un asiatique de la vague J qui dort dans l'herbe sur le bord de la route. Dans une petite montée, un gars pousse son vélo caréné. Puis je croise trois gars partis la veille qui s'en retournent à Saint-Quentin. Moi qui ne pensais pas voir des cyclotouristes du dimanche avant le troisième jour au-moins, j'en découvre dès la première matinée. Quelles surprises ! Et ce ne sont que les premières...
Quelques kilomètres avant d'arriver à Villaines la Juhel, un bruit étrange et inquiétant est apparu dans mon pédalier. Je ne m'en occupe pas plus que cela. Ce bruit disparaîtra un peu avant Fougère mais j'ai une étrange sensation dans mon pédalier, je ressens un petit accroc à chaque tour de pédale. Ce n'est qu'à Tinténiac que je montre le vélo au réparateur (A chaque point de contrôle : collège ou lycée, il y a un atelier réparation ; un service médical ; un dortoir souvent une salle de sport ; des toilettes, des douches et un réfectoire.), mon tube de pédalier est cassé. Heureusement, il peut le réparer. J'ai passé plus d'une heure pour cette réparation. C'est là que Pascal me rejoint !
Jusqu'à maintenant, lorsque j'arrive à un contrôle (il faut passer devant le BIP électronique et pointer son document), il y a au maximum une centaine de vélos. Mais les choses changent à Loudéac (km 449). Des vélos, il y en a partout, certainement plus de 1000 . Alors, il faut bien repérer où je met le mien. Il y en a autant parce qu'il est déjà tard (plus de 23h00), il y a ceux partis le matin qui sont sur l'aller et ceux partis le dimanche qui sont déjà sur le retour et beaucoup veulent dormir. Alors c'est l'embouteillage pour poser le vélo, l'embouteillage pour aller pointer, l'embouteillage pour aller manger, l'embouteillage pour aller aux toilettes, c'est l'embouteillage pour se doucher, c'est l'embouteillage pour dormir. C'est l'embouteillage partout ! C'est impressionnant ! Loudéac est le nœud de PBP. La ville se situe à environ au tiers et au deux tiers du parcours. C'est à ce moment, à cet endroit que je m'aperçois qu'il faut gérer le temps. Dormir ici, c'est trop tard, il n'y a plus de place. Alors je repars mais je vais bien, je ne suis pas trop fatigué. C'est alors que me vient l'idée de dormir à la belle étoile, le prochain contrôle est un peu loin, la nuit je roule moins vite et tout doucement la fatigue arrive. Mais où trouver l'endroit idéal ?
J'arrive dans un village où c'est la fête : SONO bien fort ! Tonnelle, crêpes, cidre, superbe accueil. Incroyable, la Bretagne, pays de vélo... Les villageois m'accueillent à bras ouvert. Voilà mon lit, c'est ce village. Le stand est installé près de l'église. Ni une, ni deux, je m'y installe. Je me sèche avec ma petite serviette, je mets des vêtements secs, j'enfile plusieurs épaisseurs, je sors ma couverture de survie et je m'allonge au pied de l'église sur de la mousse. J'ai installé mes vêtements du jour sur la haie afin qu'ils sèchent un peu. Un habitant voyant que je m'installe me propose, en anglais, un lit. Il est surpris lorsque je le remercie de m'entendre parler français et lui explique que je veux dormir un peu et que l'ambiance, la sono et les lumières me réveilleront. Il est 1h45 lorsque je regarde pour la dernière fois ma montre. Il est 4h15 lorsque je la regarde de nouveau. Comme prévu, le va et vient incessant des vélos, l'odeur des crêpes, la musique et les bavardages m'ont réveillé. J'ai dormi plus de 2h00 après avoir fait plus de 500 km dans cette première journée. Quel luxe !
Deuxième jour
Je range mes vêtements de nuit dans les sacoches et enfile ceux que j'ai fait sécher mais qui ne le sont pas. Je grelotte. Rapidement, je repars dans la nuit. J'ai eu froid et j'ai toujours froid. Alors une seule solution, tout à droite et je force. Rapidement les dents cessent de claquer et je sens la transpiration qui refait son apparition sur mon front.
J'oubliais de dire qu'en plus de la nuit, il y a du brouillard. Je roule au milieu de la route et je suis les bandes blanches. Le parcours quitte cette belle route (précision : le parcours est fléché sur les 1230 km) pour une petite route de campagne et là, plus de bandes à suivre. Où est la route, où commence le bas côté ? Il ne reste comme solution que de suivre les petites lumières rouges qui scintillent et me précèdent .
C'est à ce moment que je prends conscience de ce phénomène. Les vélos sont devenus une file ininterrompue de plusieurs dizaines de kilomètres. Des vélos, il y en a des centaines derrière et devant moi, je ne ferai qu'en rattraper sans jamais arriver à remonter jusqu'au premier de la file. Toutes les lettres des vagues sont mélangées (sauf les A, B, C et D, les costauds qui veulent faire un temps). Quel spectacle ! Quel bonheur de vivre cela ! Je ne pense pas jusqu'à l'arrivée avoir comblé un trou de plus de 500 m sans aucun vélo.
Mais il est 7h00 est j'arrive à Carhaix . Petit déj' : un plat de pâtes au saumon. Il faut ce qu'il faut ! Pâtisseries ! Et voici que j'aborde la partie la plus difficile du parcours avec le point culminant : Roc Trévezel (384m) . La montée est longue mais la pente est douce alors pas besoin du petit plateau. Puis descente jusque Brest. Quelle vue sur la rade de Brest lors du passage du pont Albert Louppe. Depuis ce matin le soleil est présent et la journée est chaude. Depuis hier, le vent vient de trois quarts droite mais il n'est pas trop fort. Pas le temps de visiter. Je mange et discute avec trois Suisses et je repars vers Carhaix avec la remontée de Roc Trévezel.
De nombreux Brestois nous applaudissent, nous encouragent « Bravo les gars pour ce que vous faites ! » C'est la première fois que l'on m'applaudit et que l'on m'encourage quand je fais du vélo.
Au retour, à partir de Carhaix, je ne pensais plus croiser des cyclos qui étaient sur l'aller. Et bien quelle n'est pas ma surprise d'en voir et beaucoup, partis même le dimanche après-midi. Mon étonnement ne cessera que quelques kilomètres après Loudéac (environ 170 km de Brest) lorsque je croise la dernière cyclotouriste, une Chinoise avec un grand sourire et qui continue tranquillement sa route vers Brest. Elle est hors délai depuis longtemps.
Voici Loudéac, énorme repas. Il est 21h00. Je décide d'avancer jusque Quédillac (Cela fera 339 km en ce deuxième jour) pour y dormir. J'y arrive fatigué, il est 23h00.
Poser le vélo. Se diriger vers le gymnase.
- Puis-je dormir ?
- Oui, il y a de la place !
En effet, une vingtaine de cyclos ronflent à qui mieux mieux sur de bons matelas.
- Puis-je prendre une douche ?
- Pas de problème !
C'est le luxe ! Quel bonheur de se laver après 42h00 et plus de 800 km.
Un bon matelas, une couverture. Je suis au chaud et je m'endors comme une masse. À la question « A quelle heure voulez-vous être réveillé, j'ai répondu que je me réveillerai tout seul, comme un grand. Cela a bien fait rire ! » Eh oui, les horaires de réveil sont parfois improbables : 3h45 pour l'un, 4h30 pour un autre, …
Moi, c'est vers 2h30 que je me réveille. Il est trop tôt pour repartir. Le dortoir est comble. Je suis étrangement bien réveillé, très lucide (c'est ce que me diront plusieurs personnes au contrôle). Je comprend que je viens de faire les deux tiers du parcours en 2 jours. Il me reste 1 jour et demi pour faire 400 km. Je décide de modifier ma façon de rouler. J'ai 51 ans, je n'ai rien à prouver à personne, je sais que je validerai, sauf incident, mon PBP. Je suis venu voir ce qu'est le PBP alors, je vais en profiter. Mon second, le vrai, l'aventure PBP commence maintenant...
Je décide d'aller voir dehors. Première stupéfaction, le couloir d'accès au dortoir est comble. Des cyclos, les plus proches du dortoir, dorment par terre à même le carrelage ; les plus lointains dorment assis contre le mur, tête contre tête. Un bénévole réveille le premier de la liste et lui propose un matelas encore chaud qu'un cyclo réveillé et sur le départ vient de libérer. Je me fraye un chemin entre eux. C'est hallucinant !
Sous la tente jouxtant l'entrée de la salle de sport, des dizaines de bénévoles réconfortent des dizaines de forçats de la route, hâves de fatigue, hagards, cherchant une place pour sommeiller. Certains se reposent assis sur une chaise, la tête reposant entre les bras posés sur une table.
Je sors. Mon vélo bien rangé lorsque je suis arrivé a été déplacé par des bénévoles qui l'ont placé sur un autre et un troisième vélo est sur le mien. Les bénévoles sont dépassés par cet afflux ininterrompu de cyclotouristes.
Un braséro réchauffe quelques malheureux. Que vont-ils faire ? Pas de lit, pas de sommeil réparateur. Seule solution, continuer ! Des cyclistes, il y en a partout.
Je reviens sous la tente et essaye d'engager la conversation avec quelques souffre-douleurs. Peine perdue ! Un regard vague quitte la soupe chaude, se pose sur moi et, sans une parole échangée, replonge dans le bol. Unique consolation, j'ai offert un sourire. À un autre, je demande comment il va. Il ne comprend pas le français. J'ai plus de chance avec le troisième : « Ça va ? ». Les yeux ivres de fatigue, il me répond : « oui ! ». Je n'abuse pas et me retire, ne pouvant rien donner de plus qu'un sourire et un encouragement.
Je discute avec quelques bénévoles et leur demande ce qu'ils font ici plutôt que dans un bon lit au chaud, chez eux. Certains me disent qu'ils vivent cette randonnée par procuration, incapables de la faire mais voulant ê