Ardéchoise – Parcours La Volcanique
7 h 00. Il fait déjà trop chaud en cette heure matinale dans le sas n°1. En compagnie de Jean-Michel et Nathalie, j’attends patiemment le départ de cette 23ème Ardéchoise. L’attente permet la réflexion, réflexion qui me plonge dans l’inquiétude : le parcours de la Volcanique me paraît indigeste avant la 1ère bouchée. Dans le sas n°1, je m’élancerai avec la 1ère partie des coureurs et je vais donc avoir le loisir de me faire dépasser tout au long de la journée. A défaut d’être tête de série, j’ai rempli mon bulletin d’inscription plusieurs mois avant la cyclosportive.
Trente-huit minutes et trente-sept secondes plus, les premiers coups de pédale sont donnés dans le village de Saint-Félicien. Malgré l’heure matinale, le public a répondu présent pour soutenir les coureurs. Après une parade dans les rues du village bondé, les deux premiers kilomètres sont rafraîchissants : une descente de faible déclivité nous conduit paresseusement vers l’ascension du col du Buisson.
Avec Nathalie et Jean-Michel, nous attaquons le col du Buisson (920m) avec envie. Et les premiers kilomètres, avec des pourcentages raisonnables, nous permettent de nous chauffer les jambes, tout en profitant des paysages et de la fraîcheur matinale. Très vite, la circulation s’organise dans le col du Buisson : à droite, les VIP peu entraînés qui se sont élancés avec 10 minutes d’avance, à gauche, les coureurs affûtés qui ne sont pas venus pour beurrer les sandwichs. Pour ma part, j’opte pour la file du milieu étant donné le programme chargé de la journée, bien calé dans la roue du Parrain comme le pratiquait si bien Greg Lemond en son temps. Nous dépassons dans la montée du Col du Buisson Robert Marchand, entouré de ses coéquipiers. Dans la localité de Pailharès, la pente se fait plus sévère et nous donne l’occasion de faire quelques mètres en danseuse. Maintenant une allure soutenue, le col est avalé à 18 km/h de moyenne. Dans la descente, nous récupérons Nathalie qui avait pris quelques hectomètres d’avance. La descente est négociée avec prudence jusqu’à Lamastre.
Les descentes sont assez techniques et sinueuses en Ardèche, et les revêtements sont disparates, garnis de graviers sur certaines portions. Le nombre de participants ne facilite pas la tache. Parfois, nous croiserons des coureurs mal en point au cours de la journée et seront de sérieuses invitations à la prudence.
La traversée de Lamastre permet de jauger l’engouement de l’Ardéchoise dans la région. Musique et fanfare, décorations diverses en l’honneur de cette 23ème édition, encouragements, ravitaillements , tout y est ! Lors de l’ascension du col des Nonières, culminant à 671 mètres, le premier fait de course se produit : alors que j’avais pris quelques dizaines de mètres d’avance à la suite d’un représentant de l’Armée de Terre, je suis victime d’un saut de chaîne ! Certains ont perdu le Tour de France pour si peu. Pour ma part, je perdrai irrémédiablement la roue de mon Parrain. Deux minutes plus tard, je suis de nouveau sur mon vélo et je termine le col sans me mettre dans le rouge. La descente vers le Cheylard est décidément trop technique pour récupérer Nathalie et Jean-Michel. Je traverse rapidement la localité du Cheylard pour m’attaquer au plat principal : le mont Gerbier de Jonc !
Aucun pourcentage indécent n’émaille la montée du mont Gerbier de Jonc. Toutefois, les trente-cinq kilomètres d’ascension invitent à la retenue. L’objectif, dans cette première partie de montée, est d’accrocher une ou des roues qui me permettraient d’avoir le rythme le plus régulier possible, en échange de quelques relais. J’accroche un petit groupe de quatre coureurs et nous effectuons ainsi une dizaine de kilomètres en gruppetto. Puis, je décide d’accélérer un peu l’allure malgré une chaleur de plus en plus pesante. Le col de Mézilhac (1 119m) est atteint après une vingtaine de kilomètres d’ascension. Il est envahi d’agriculteurs, furieux contre les loups, qui soumettent des pétitions aux coureurs. Trop d’agitation pour moi, je file vers le col de Montivernoux (1 320m) sans attendre. Sur le bord de la route, des carcasses de brebis victimes des loups sont suspendues à un tracteur. J’accélère légèrement, l’odeur m’incommode sensiblement…
A partir du col de Montivernoux, les pourcentages sont relativement faibles, l’ascension se poursuivant par un faux plat de 7-8 kilomètres. La tentation est forte pour certains coureurs d’emmener grand plateau et de « mettre la plaque ». Je discute avec un professeur de Châteauroux qui a quelques Ardéchoises au compteur : il me conseille de rester sur le petit plateau et de m’économiser en vue de la dernière ascension, plus raide que les autres. Parfois, un ou deux lacets plus loin, il me semble apercevoir le maillot rose DSO de Nathalie. Le contrôle de Lachamp-Raphaël me donnera la réponse après la course : Nathalie avait 45 secondes d’avance !
Dans la descente du mont Gerbier de Jonc, que je réalise à vitesse modérée (entre 40 et 50 km/h), Alban et Éric me rattrapent tour à tour. Je ne succombe pas à la tentation de faire le casse-cou derrière Alban ou Éric. La descente sur sa première partie est particulièrement sinueuse et je limite la prise de risque. Je note également que nous avons déjà atteint les 100 km de course et qu’il reste trois ascensions au programme ! Le ravitaillement d’Arcens se présente à point nommé. J’y retrouve Nathalie et Éric qui se sustentent. Les produits locaux sont à l’honneur : saucissons, fromage de chèvre, eau pétillante et crème de marrons ! Un vrai bonheur ! Éric me raconte sa première partie de course : les toasts de crème de marrons défilent au fil du récit…
Je repars ragaillardi dans la roue de Nathalie. Je vais profiter de son coup de pédale régulier pour gravir le col de Clavière (1 088m). Nous approchons les 120 kilomètres de course. Or, ma distance la plus longue couverte à présent est de 128 km lors de l’Etape du Tour 2013 : je trouve le temps long… Le début de l’ascension du col de Clavière est assez pentu et la chaleur est de plus en plus étouffante. A chaque kilomètre, Nathalie me rappelle de boire. Cela devient un réflexe : dès que Nathalie saisit son bidon, je l’imite. Je n’ai pas la sensation d’avoir soif mais je m’efforce d’avaler ces quelques gorgées d’eau tiède, car la route reste longue…
Dans la localité de Saint-Agrève se produit le deuxième fait de course. Un ravitaillement complet est proposé aux participants. Nathalie s’y arrête pour remplir son bidon. Je reste en retrait pour l’attendre : je préfère profiter de son tempo pour les prochaines difficultés. Pour moi, ces quelques minutes perdues seront des minutes gagnées. Or, lorsque Nathalie repart, elle pense que je l’ai aperçue en passant à côté de moi, mais il n’en est rien ! Je reste dans Saint-Agrève de longues minutes à attendre... Après dix-quinze minutes à attendre Nathalie que je n’ai pas vue repartir, je décide de poursuivre ma route. Je finis rapidement le col de Clavière, pause technique incluse (j’ai trop bu dans le col de Clavière !).
J’enchaîne rapidement avec le col de Rochepaule (892m), qui se ramasse sur trois petits kilomètres et demi de montée, avec des pourcentages acceptables. A petit col, petite descente… Et très rapidement se présente le redouté col de Lalouvesc (1 092m). Ce dernier ne constitue pas une difficulté insurmontable à part entière. Toutefois, la chaleur et la distance déjà parcourue, soit 145 km environ, font de lui un géant ! L’ascension de ce col s’étire sur 8,5 km avec un kilomètre à 8,6% de moyenne. Les kilomètres s’égrènent alors lentement… Des participants se reposent sur le bas-côté de la route, parfois victimes de crampes ou de la chaleur, ou d’un cocktail des deux. Sur la droite de la route, certains coureurs continuent de faire belle impression. Ces kilomètres sont longs… et sont ceux qui laissent un souvenir douloureux et vivace, une fois la ligne d’arrivée franchie.
Toute chose a une fin, même les cols de fin parcours de cyclosportive. Arrivé au sommet du col de Lalouvesc, il me semble être au bout de mes peines. Toutefois, mon compteur marque 152 km et la distance totale de la Volcanique est de 176 km. J’estime que la descente du col du Buisson compte pour 10 km et la légère remontée vers Saint-Félicien pour 2 km. Soit 152 + 10 + 2 – 176 = -12. Vous me suivez ? Il manque 12 km. Ces douze kilomètres permettent de faire la liaison entre le col de Lalouvesc (1 092m) et le col du Buisson (920m) ; et descendre un si faible dénivelé sur une si longue distance signifie qu’il faut pédaler…
Rechignant de plus en plus à m’asseoir sur ma selle, et peut-être aurais-je dû accepter la vaseline proposée ce matin (remarque Éric que je ne te cite pas), je mets le grand plateau et je pédale par à-coups… Pour être complet, le vent est défavorable ! J’arrive finalement au col de Buisson pour me laisser glisser la descente. A quelques encablures de l’arrivée, dans un des derniers lacets de la descente, un coureur gît au fond d’un fossé le visage ensanglanté. Je redouble de prudence à nouveau et me force à rester concentré jusqu’au bout. Le final en léger faux-plat ne pose aucun problème : ça sent l’écurie et la fin d’une très belle cyclosportive ! Soit 176 km en un temps de 9 heures, une minute et trois secondes. Volcanique terminée !